Poses longues, filtre variable et déconvenues

Dans Confidences un billet écrit par Christine le 10 mars 2014

Une fois n’est pas coutume, parlons matériel photo. Ce n’est vraiment pas ma tasse de thé mais si ma modeste expérience peut vous éviter les mêmes déconvenues qu’à moi, ce sera toujours ça de gagné.

Il y a un moment déjà que l’envie de m’essayer à la technique des poses longues me titillait. Pour les non-spécialistes, photographier en poses longues, c’est laisser le diaphragme ouvert suffisamment longtemps pour capturer nettement les éléments fixes d’une scène tout en rendant les éléments en mouvement flous. Cette technique est utilisée par exemple en photo de nuit, pour transformer les phares des véhicules en traînées lumineuses ou pour faire du light painting. Mais ce n’est pas ce genre d’effet que je recherchais. Ce qui m’intéressait en premier lieu, c’était de réaliser des poses longues de jour afin de commencer à une série de photos zen des rives de mon lac, vaporeuses, épurées et graphiques.

Autant le dire tout de suite, le sujet s’avère plutôt technique à la base et nécessite un peu de matériel. Me voila donc le nez dans mes bouquins et sur le net à potasser la question avant de passer en revue mon matériel. Qui dit utilisation de vitesses lentes, dit nécessité de recourir à un trépied. Une télécommande est également recommandée pour éviter tout bouger au moment du déclenchement mais le retardateur peut très bien faire l’affaire. Par contre, même s’il est possible de prendre des photos en pose longue en fin de journée en fermant le diaphragme au maximum (peu de lumière passe, donc la vitesse d’obturation sera lente), pour l’utilisation que je vise, il me manque un filtre gris neutre. Ce genre de filtre, qui se visse sur l’objectif et est également appelé filtre ND (neutral density), est indispensable pour diminuer la quantité de lumière qui entre dans l’appareil et permettre des poses longues sans obtenir des photos toutes blanches. Selon le modèle, il est plus ou moins opaque. Pour un filtre ND2, le temps de pose est multiplié par 2 alors que pour un filtre ND400 beaucoup plus sombre, il est multiplié par 400. Si l’on veut photographier en pleine journée, mieux vaut par conséquent utiliser ce dernier qui réduit de 20 diaphragmes la quantité de lumière (il en existe d’encore plus puissants). C’est donc toute motivée que je me rends chez un spécialiste photo pour me procurer un filtre ND400. Hélas, déception, il n’en a pas de la dimension voulue en stock. Le vendeur me propose à la place un filtre variable ND3-400 dont il me vante les avantages. Pour faire simple, il s’agit d’un filtre qui comprend deux verres dont un permet en le tournant de faire varier l’opacité de ND3 à ND400. On a ainsi plusieurs filtres en un seul. L’argument est séduisant, surtout que, dit-il, le filtre est de qualité et facilite grandement la mise au point. Son prix l’est par contre nettement moins et m’arrache une grimace de douleur. Bigre, je savais les filtres chers mais 288 francs, c’est quand même beaucoup. Comme j’ai hâte d’essayer l’outil et que je n’ai pas la patience d’attendre une semaine que la commande arrive, je décide de délier les cordons de ma bourse en me disant que l’investissement vaut la dépense.

Et voila comment l’après-midi même, je me retrouve à patauger dans le lac pour tenter mes premières prises en pose longue. Je fixe mon appareil muni de son filtre variable sur son trépied, je procède à mon cadrage et à mes réglages le filtre réglé sur sa valeur minimale, je tourne ensuite le filtre pour l’assombrir, j’adapte le temps de pose et je déclenche avec ma télécommande pour éviter tout risque de bouger. Je vous épargne les fastidieux détails techniques et calculs de temps de pose et vous renvoie sur ce point aux nombreux tutoriels très bien faits que l’on peut trouver sur le net (par exemple ici).

IMG_6248 dyptique

Le chien est un accessoire optionnel. Il permet de s’amuser (et de se réchauffer) pendant la durée de la pose.
 

 

Mais au moment de découvrir le résultat de mes expérimentations, je reste perplexe. 

sans titre-12-2

18mm, f14, 240 secondes (photo brute de capteur)

D’étranges taches sombres apparaissent sur mes photos.

sans titre-10

18mm,  f14, 126 secondes (photo brute de capteur)

Je teste plusieurs variantes mais rien n’y fait, les taches demeurent. C’est même de pire en pire…

 

sans titre-2

20 mm, f9, 25 secondes (photo brute de capteur)

 

Congelée par l’humidité ambiante, je lève le camp totalement dépitée, en me demandant ce que j’ai bien pu faire faux pour un tel ratage. Un bain chaud et un thé bouillant plus tard, je passe ma soirée à farfouiller sur le net pour tenter de trouver une explication.

J’ai fini par avoir des réponses. Il semble que lorsqu’un filtre variable est vissé sur un objectif grand angle, on ne puisse pas en exploiter toutes les densités au risque de voir apparaître des ombres lors de la prise de vue. Certains conseillent de ne pas tourner la bague graduée jusqu’au maximum mais de s’arrêter 2 graduations avant sous peine de voir son image marquée d’un « x », phénomène clairement visible sur ma dernière photo à la chaise. En d’autres termes, un filtre ND3-400 sur un objectif grand angle ne serait pas plus utile qu’un filtre ND64, ce qui est quand même un comble pour un accessoire d’un tel prix !

Inutile de vous dire que forte de ces constatations, je suis retournée le lendemain chez mon spécialiste photo pour lui rendre illico ce maudit filtre, mes photos à l’appui. Il tombait des nues et ne semblait pas connaître ce phénomène. Mais le pire dans cette histoire, c’est que je n’ai même pas eu besoin de commander un filtre ND400 fixe parce que le patron a trouvé dans un tiroir ce que son employé m’a dit la veille ne pas avoir en stock pour la moitié du prix!!!

Moralité évidente de toute cette histoire, outre le fait que la prochaine fois, je me renseignerai mieux avant de me lancer dans un tel achat, je ne saurais que vous conseiller un filtre ND fixe plutôt qu’un filtre variable. S’il est très sombre (par exemple ND400), il nécessite certes davantage de manipulations puisqu’il faut faire la mise au point sans le filtre puis ensuite le visser sur l’objectif pour déclencher (et répéter la manoeuvre à chaque nouvelle prise de vue) mais il s’avère nettement moins onéreux et ne cause pas les désagréments constatés avec le filtre variable. Au final, j’ai opté pour deux filtres soit un ND400 et un ND8 qui peuvent être combinés pour obscurcissement supplémentaire (les coefficients se multiplient, le temps de pose est par conséquent 3200 fois supérieur que sans filtre). J’ai également acquis des bagues, afin de pouvoir adapter mes filtres d’un diamètre de 72 mm sur un autre objectif d’un diamètre inférieur. Mais attention, s’il est possible de joindre plusieurs filtres, il ne faut toutefois pas aller au-delà de deux sinon gare au vignettage.

Après toutes ces péripéties, me voila donc équipée correctement. Maintenant, comme on dit, il ne reste plus qu’à…

sans titre-17-2-Modifier-2-2

Back to Main Content

30 Responses to “Poses longues, filtre variable et déconvenues”

  1. Awena dit :

    Quelle histoire ! C’est tout de même frustrant quand le matériel ne fait pas l’affaire. Heureusement que tu aies pu changer. Moi je ne suis pas très technique, mais la, j’ai suivi toute ton histoire….Merci pour les conseils. A bientôt.

    • Christine dit :

      Pour qui ne s’intéresse pas trop à la technique, mon billet est un peu rébarbatif. Merci d’avoir pris la peine de le lire, Awena:-)

  2. AniLouve dit :

    Malgré la tache, mais on dira qu’elle ajoute au mystère, j’aime ton premier résultat. Et j’aime le chien patient. Et évidemment la dernière photo. Quant au reste, matériel, etc , … je suis une amatrice non éclairée. Je déguste le résultat sans chercher les secrets et les mixtures du trifouillage préalable.

    • Christine dit :

      J’apprécie d’autant plus ton comm sur ce billet pas vraiment folichon pour qui ne s’intéresse pas à l’aspect technique de la photo. Merci AniLouve.

  3. Marie dit :

    Et bien, quelle mésaventure ! … du reste, je trouve ta dernière photo très réussie, elle rend bien en noir et blanc.
    Merci pour tous ces détails techniques 🙂
    Très bonne journée Christine.

    • Christine dit :

      Sur le moment, toute cette histoire m’a bien énervée et m’a fait perdre pas mal de temps… Je suis contente que la photo en n&b te plaise, c’est vraiment dans cette veine que j’ai envie de construire une série.

  4. evelyne dubos dit :

    Merci pour ce partage d’expérience. J’avais aussi commencé à me renseigner et aurais sans doute opté pour un variable… mais sur le net à un prix plus raisonnable pour essayer même si la qualité n’est pas tout à fait au top ! Et puis j’ai trouvé que ce type d’image, même si j’aime bcp, devenait un peu trop courant sur les blogs… on ne voit plus une seule surface d’eau sans qu’elle soit en pose longue. Pour être franche ça m’a un peu gavée. 🙂 Bon ceci étant je trouve la 1ère pas si mal, la tache semble naturelle, comme une ombre. J’attends tes nouveaux essais. :-))

    • Christine dit :

      Peu m’importe que cette technique soit à la mode. J’ai vraiment envie de m’y essayer et surtout de créer des images à ma sauce, dans la veine de la dernière en n&b. Pour me prochains essais, il ne me reste plus qu’à trouver les lieux propices à mes expérimentations. A suivre….

  5. dominique dit :

    J’ai eu bien du plaisir à lire tout ça. Ça fait des mois que je regarde ces filtres… Équipé jusqu’à peu d’un objectif au diamètre très grand, j’ai toujours repoussé l’achat. Surtout que j’hésite entre les variables, les neutres simples et le système cockin.. Là avec mon nouveau 17/50 mm. le problème se pose différement. Le diamètre est plus normal.
    en passant, je crois qu’il y a une coquille dans ton texte « .beaucoup plus sombre, il est multiplié par 400. »
    La photo en nb me plait. Elle « te ressemble ».
    C’est le Murten??
    Bonne journée

    • Christine dit :

      Le choix du système de filtre est personnel,j’espère que tu trouveras ton bonheur. Je ne crois pas qu’il y a une coquille, un filtre ND 400 est très sombre et lorsqu’on l’utilise, il faut multiplier le temps de pose calculé sans filtre par 400. Sinon, merci pour ton appréciation de ma photo en n& b. C’est encore un prototype, elle est par endroit cramée et est perfectible mais c’est une idée du sens dans lequel j’ai envie d’aller. Quant au Lac, ce n’est pas celui de Morat mais de Neuchâtel, à Portalban. A bientôt Dominique.

  6. haude dit :

    C’est toute une aventure ces poses lentes, moi ce qui me plaît c’est la technique.
    Pas forcément facile, bcq de photos et bcs de déchets aussi. Il faut trouvé son style ne pas faire comme tout le monde.
    Je possède un ND8 et un polarisant (utile quand le ciel est très lumineux par rapport à l’eau) – puis j’ai maintenant un cokin qui est dégradé, c’est très pratique plus besoin de changer; et je tourne la baque pour varier l’intensité du filtre c’est très pratique.
    Je vois tu t’en sors bien, beau N&B zen et poétique.
    tu vas apprendre vite.
    bonne semaine, @ bientôt Haude

    • Christine dit :

      Tu as tout à fait raison, Haude, il faut trouver son style, ce qui implique de beaucoup tâtonner mais c’est aussi ce qui fait l’intérêt de l’exercice. J’ai vu sur ton site que tu es devenue une experte du genre. Va falloir que je m’entraîne si je veux pouvoir rivaliser;-) Bonne semaine à toi aussi.

  7. Waouh, mais c’est beaucoup de patience tout ça !!! Enfin, le résultat me plait bien, j’aime tout particulièrement la dernière photo. Belle semaine.

    • Christine dit :

      C’est vrai que ce genre de technique demande du temps et de la patience. Entre l’installation de tout le matos, le cadrage qui doit être soigné et les différents tests de temps de pose, ce n’est vraiment pas de la « fast photo » ;-). mais quand on aime….. A bientôt Laurence.

  8. verO dit :

    Très intéressant ton article. Dernièrement, je me suis aussi beaucoup intéressée à ces fameux filtres pour la prise de vue de levers et couchers de soleil.. Je n’ai encore rien concrétiser et j’utilise dans ce cas de figure un polarisant.
    Par contre, je me suis essayée à la photographie de nuit cet hiver. J’ai adoré, mais …. « je me les suis gelées » 😉
    Dans ton article, tu ne parles pas de ton trépied. Objet qui peut également s’avérer onéreux. Le mien est bon marché et après quelques sessions, je comprends pourquoi !!!!
    verO

    On pourrait papoter, papoter ! Ah la la, que la photo est passionnante ! 🙂

    • Christine dit :

      La photo de nuit en hiver, c’est sportif! Je m’y suis aussi intéressée mais uniquement au niveau théorique pour le moment, en lisant deux bouquins sur le sujet. Quant à mon trépied, c’est un Giottos. Je l’ai acheté l’an dernier pour aller photographier les aurores boréales en Laponie. Il me fallait un modèle de meilleurs qualité que le précédent très bon marché mais pas trop encombrant pour le voyage. Il est très pratique pour voyager et est nettement plus stable que l’autre même si ce n’est pas un modèle de compet. Et tu as raison, la photo est un sujet inépuisable lorsqu’on est passionné 😉 Bonne semaine VérO.

  9. Cécile dit :

    Et bien, que d’aventure!!! C’est que nous les méritons nos photos!!! ça me rappelle quand j’avais voulu m’offrir un filtre polarisant et que je me suis retrouvée avec beaucoup beaucoup de zones « bouchées »…. Le soleil était au zénith, j’avais un ciel bleu formidable, mais alors, adieu les détails… Je comprends bien ton agacement! Cela nous promet de belles choses en tout cas, je le sens. 🙂 Moi, mon filtre gris investi l’année dernière, je n’ai pas encore pris le temps de l’utiliser. J’avais des idées assez précises, pourtant. Ça me donne envie de m’y remettre!

    • Christine dit :

      Pour apprivoiser ces filtres, il faut vraiment les utiliser et ne pas craindre de se planter (merci le numérique!). Alors retroussons nos manches et mettons-nous y;-)

  10. thursday dit :

    Que d’aventures! C’est vrai qu’il faut bien se renseigner avant d’acheter un nouvel accessoire mais parfois on a tellement envie d’essayer qu’il n’est pas facile d’attendre!
    J’ai beaucoup aimé ton article, je ne lis que très peu d’articles ou de livres techniques mais j’adore tomber sur ces genre de billets et retour d’expérience, cela passe beaucoup plus facilement qu’un article purement technique et pas très enthousiasmant de prime abord…. Je n’ai jamais essayé ce type de poses longues mais cela me donne vraiment envie de tester… quand j’aurai un nouveau trépied… Du coup je note qu’il vaut mieux acheter un filtre fixe!
    J’ai hâte de voir tes nouvelles poses longues, la dernière photo est très jolie.
    Bonne journée et à bientôt 🙂

    • Christine dit :

      Eh oui, l’impatience est parfois mauvaise conseillère. Quand j’ai une idée en tête, j’ai envie de la concrétiser rapidement sans vraiment prendre la peine de faire les recherches nécessaires:-( Ceci dit en l’occurrence, je ne suis pas sûre qu’en faisant des recherches en amont, je serais tombée sur ce problème de taches en x sur les photos. J’ai du passablement chercher pour trouver l’explication, c’est la raison pour laquelle je me suis dit que mon expérience pourrait être utile à certains. Et dis. si tu te lances dans des poses longues, tu nous montreras le résultat? Bonne fin de semaine.

  11. ronan dit :

    tu vas bientôt verser dans le paysage fine art noir et blanc
    cool 🙂
    chez moi ce sont les poussières du capteur qui surgissent invariablement. il n’y a pas de pose longue sans coups de tampon à la maison.

    • Christine dit :

      Mouais, faut encore que j’affine ma technique avant de faire du fine art 😉 mais je vais m’appliquer. Et accessoirement il faudrait aussi que je nettoie mon capteur, le mien n’est pas des plus propres non plus, mais j’ai un peu les jetons de le faire moi-même, même si on m’a montré une fois comment procéder.

  12. Je suis récemment passée au reflex et j’ai encore beaucoup à apprendre, mais c’est ce que j’aime de la photographie: l’univers des possibles !

  13. Pastelle dit :

    Merci pour ton retour d’expérience. J’ai un filtre gris neutre aussi, mais pas assez sombre je crois. Il faudra quand même que j’essaie un de ces jours. Et malgré la tache (si tu ne l’avais pas dit on aurait pu croire à une ombre naturelle) j’aime beaucoup la première photo.

    • Christine dit :

      C’est vrai que sur la première photo, les taches ne sont pas flagrantes mais avoue que sur les autres elles sont vraiment gênantes. Et pour le prix, je n’allais quand même pas garder un tel filtre. Et j’espère que tu nous montreras tes essais. A bientôt

  14. Isa dit :

    L’apprentissage est un chemin semé d’embûches…La dernière est vraiment très belle, …j’ai hâte de voir les suivantes !

  15. Je n’ai jamais tenté les filtres et c’est vrai que cela donne des photos formidables (notamment les espaces en plein jour vidés de leurs habitants tant la pause est longue, tout comme certains paysages qui deviennent magiques).
    Le prix est sacrément prohibitif.
    Je sens que tu vas expérimenter prochainement!!!!

  16. Anne dit :

    Super! merci pour ces infos, je commence à me poser la question de l’investissement pour tester ces techniques, tes conseils me seront précieux!

  17. […] Haut Formatt Hitech Lot de 10 filtres longue exposition de 1 à 10 diaphragmes IRND Prostop 2 diaphragmes densité 0.6 67 x 67 mm ” border=”0″ […]

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Please fix your errors.

Partagez

Back to Main Content