Voleuse d’âmes?

Dans Bali un billet écrit par Christine le 17 octobre 2010

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Bali , c’est évidemment des paysages somptueux, un climat agréable à longueur d’année, une  culture et une cuisine raffinées mais au-delà de ces clichés, ce qui m’en restera avant tout c’est la rencontre avec ses habitants dont la gentillesse indéfectible n’est pas une légende.  C’est donc tout naturellement que j’ai eu envie de ramener dans mes bagages leur sourire, leur beauté, leur sérénité…

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La joie de ces écolières en uniforme à la sortie des classes faisait plaisir à voir. Très exubérantes, elles n’arrêtaient pas de faire les folles devant l’objectif. Un vrai moment de bonheur dans la belle lumière de fin de journée!
Facile à dire mais pas forcément à faire lorsqu’il s’agit de prendre des inconnus en photo! Personnellement, il m’est aussi difficile d’aborder un étranger pour lui demander l’autorisation de le prendre en photo que de dégainer mon réflex en douce, de le pointer sur lui et de déguerpir avec mon butin sans demander mon reste aussitôt après avoir déclenché. Alors comment procéder pour à la fois obtenir des expressions authentiques et ne pas heurter la sensibilité de ceux que l’on choisit d’immortaliser? 
Je n’ai pas la prétention de donner une réponse toute faite à cette question qui taraude plus d’un photographe mais à la demande de certains d’entre vous, je vous livre ici quelques éléments de ma très modeste expérience en la matière.
Tout d’abord, j’ai  eu la chance de mettre la main sur le livre de David Duchemin, “L’âme du photographe, comment donner un sens à vos images” en traînant au rayon photo de ma librairie préférée. En le feuilletant, j’ai d’emblée été touchée par ses images authentiques et profondément humaines. J’ai ensuite été séduite par son approche emprunte de douceur, de sensibilité et de respect .  Je vous recommande chaudement ce bouquin basé essentiellement sur les émotions que le photographe entend faire passer à travers ses clichés. Un livre très instructif qui, pour une fois, ne place pas la technique  au premier plan (il y en a bien sûr un peu mais c’est tout à fait accessible). Cela étant, la lecture des meilleurs ouvrages ne permettra jamais de faire de bonnes photos  à celui qui ne saura pas sur le terrain faire preuve d’un minimum de bon sens, de temps, de contact et de courtoisie. C’est du moins ce que j’ai pu expérimenter à Bali l’été dernier.
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Le regard tout en retenue d’une jeune maman et de son fils croisés sur une plage quasi déserte à proximité d’un village de pêcheur au Nord de l’île..
En m’offrant ses visages sans fausse pudeur, ni coquetterie feinte, juste de manière authentique, pudique, Bali m’a littéralement décoincée. Je dois toutefois reconnaître que les Balinais ont un rapport très décontracté avec l’appareil photo et qu’ils m’ont singulièrement facilité la tâche. Je n’ai ainsi jamais eu l’impression d’agir en “paparazza”, ni de violer leur intimité.
Les portraits rapprochés que j’ai montrés sur ce blog  n’ont pas été volés et  je ne me suis jamais cachée pour prendre une photo. Je ne parle pas balinais mais dans ce genre de situation le langage des signes, un sourire, un regard suffisent largement. Le fait que je soit une femme m’a peut-être aussi servie (j’aimerais beaucoup avoir le point de vue d’hommes sur ce point), surtout lorsque je m’adressais à des enfants.
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Nous avons croisé ce garçon et son cerf-volant lors d’une balade en vélo dans un village perdu dans les rizières. Le contact avec les habitants fut nettement plus amical qu’avec les chiens, qui nous ont longtemps collé aux pédales en aboyant.
Il ne m’a bien sûr pas toujours été possible de demander l’autorisation de toutes les personnes présentes sur les lieux publics où je souhaitais prendre des photos. Tel fut le cas  notamment dans un temple où se déroulait une cérémonie haute en couleurs et terriblement photogénique.
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Grâce et élégance dans la tenue comme dans la gestuelle!
Ne sachant trop s’il était permis de prendre des clichés, j’ai commencé par rester debout en marge des fidèles, l’appareil photo bien en vue, pour laisser aux gens le temps de s’habituer à moi. Après un bon quart d’heure passé à observer ce qui se déroulait sous mes yeux et à essayer de nouer un contact visuel avec les personnes qui se trouvaient à proximité, j’ai fait signe à certaines d’entre elles pour leur manifester mon intention de prendre des photos. Leurs sourires qui répondaient au mien m’ont encouragée à déclencher. Le fait de leur montrer immédiatement le résultat sur l’écran de contrôle de l’appareil a achevé de briser la glace. Les modèles se sont alors mis à interpeller leurs proches  en riant pour leur montrer la photo. L’idéal aurait  bien sûr été de pouvoir, comme le fait David Duchemin, tirer immédiatement l’image sur une petite imprimante de poche et l’offrir en guise de remerciement. Depuis cette journée, je songe du reste sérieusement à investir dans un tel appareil avant mon prochain voyage. Malgré la charge supplémentaire que cela représente en cas de déplacement, le plaisir évident des gens en vaut largement la peine.
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C’est la maman de ce garçonnet qui m’a demandé de le prendre en photo après avoir vu le portrait de la fille de sa voisine sur mon appareil. Cet après-midi au temple reste l’un des grands moments de mon voyage et la preuve que la photo peut être une moyen d’échange et de partage positif.
Cela m’amène naturellement à aborder un aspect beaucoup plus délicat auquel je n’ai pas été confrontée (heureusement) à Bali mais qui existe bel et bien. Faut-il rémunérer les personnes que l’on prend en photo ? La question fait débat sur de nombreux forums de voyageurs et divise l’opinion. La majorité des avis que j’ai pu lire dans des ouvrages et sur le web est hostile à une rémunération en espèces. Les effets d’un geste qui se veut  en principe généreux  et reconnaissant peuvent en effet s’avérer très pervers. A titre d’exemple, des enfants déplacés par leur parents dans des lieux touristiques très reculés et « dressés » à poser pour de l’argent se voient de fait privés de  la possibilité d’aller à l’école. On comprend mieux la spirale infernale dans laquelle la “bonne conscience” de touristes nantis peut entraîner ces populations. Là encore, je n’ai pas de solution tout trouvée et j’ignore comment je réagirais en telle situation. Probablement renoncerais-je à la photo. Il me semble  pourtant que certains petits trucs pratiques peuvent permettre parfois de contourner positivement le problème. Les marchés et les boutiques par exemple  sont des lieux photographiques privilégiés. Il suffit souvent d’acheter un petit truc au marchand avant de lui demander l’autorisation de le photographier. Les refus dans ce cas sont rares et pour peu que l’on prenne la peine d’attendre quelques minutes, le commerçant a oublié la présence du photographe et retrouvé une attitude beaucoup moins « posée ».
Il peut enfin arriver qu’une personne refuse d’être photographiée. Dans ce cas, il est inutile d’insister. Même si à Bali j’ai été extrêmement gâtée et n’ai pas essuyé de refus, je suis bien consciente que d’autres populations du globe peuvent se montrer beaucoup moins amicales et coopérantes. Je me rappelle d’une vieille femme rencontrée l’an dernier en Croatie, qui  s’est fermement, pour ne pas dire hostilement, opposée à ce que je la prenne en photo malgré l’insistance de son fils. J’y ai renoncé aisément, car j’étais tout aussi mal à l’aise qu’elle. Bien m’en a pris, car quelques jours plus tard, au hasard d’une balade, une autre grand-mère s’est alors gentiment prêtée au jeu!
Si vous aimez Bali et avez envie de la découvrir à travers un  autre objectif , n’hésitez pas à aller jeter un oeil aux photos absolument saisissantes de Raynald qui se trouvait sur l’île pratiquement en même temps que moi cet été.
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21 Responses to “Voleuse d’âmes?”

  1. *** Coucou Ma belle ! :o) Je connais l’Indonésie et je ne me lasse pas de regarder tes photos prises à Bali ! Ces visages souriants, lisses, beaux , je les ADORE ! Merci, BISOUS et « Selamat pagi » ! :o) ***

  2. Pastelle dit :

    Bravo autant pour tes photos que ta note.
    Le second portrait de la mère et l’enfant en particulier est splendide, mais ils sont tous plein de naturel. Bravo.
    Je vais me procurer ce livre je crois. 🙂

  3. Cathy B dit :

    Bonjour Spiruline,
    Je passe souvent, j’ai admiré tes précédentes images sur Bali… en silence.
    Ton article fait échos à mes propres réflexions sur le sujet. J’ai aussi beaucoup de mal à appréhender le portrait « d’inconnus », avec souvent ce sentiment de « voler mon image ». Et ces photos, je les garde d’ailleurs pour moi, pour l’instant. On sent dans tes photos comme dans ton texte un grand respect de ces personnes. Tes photos témoignent d’un véritable échange entre vous.
    Et je note soigneusement les références du livre que tu cites.
    Bonne journée

  4. ronan dit :

    le rapport entre photographe et personne photographiée est toujours assez ambiguë n’est-ce-pas. Qu’il soit question d’argent ou de droit à l’image, à Bali ou ailleurs, tu as raison de souligner qu’il s’agit d’abord d’une relation de personne à personne. Le photographe n’est pas un prédateur que diable 🙂

  5. isabelle dit :

    Je note également le livre que tu cites.
    J’ai également lu quelque part l’étonnement d’un photographe qui ayant pris en photo des enfants a été sommé ensuite de payer les gosses par un parent qui surgissait au moment opportun… Charmant.
    Tes photos d’enfants sont pleine de grâce et celles de la cérémonie également.

  6. Anonymous dit :

    coucou ma ptite maman.. j’aime beaucoup ces photos. elles sont simplement uniques et fortes en émotions.. Tu me fais voyager au travers ces images et me rends un peu nostalgique.. Je t’aime maman, tu me manques énormément <3

  7. Marie dit :

    Ce billet est très intéressant, merci pour ton vécu et tes précieux conseils .. je suis preneuse. Tes photos sont superbes bien-sûr, et ces visages tellement beaux !

  8. Christiane dit :

    Merci pour ce partage, de belles photos (la cérémonie…superbe), de références et de nous expliquer comment tu t’y prends. Pour ma part, j’ai beaucoup de peine à prendre des inconnus en photo, je crois que je ne l’ai jamais fait, besoin de connaître la personne pour la prendre aussi franchement, alors chapeau bas!

  9. bavardises dit :

    Je trouve ta réflexion extrèmement intéressante, je me suis toujours demandée si j’oserais aborder un inconnu. Les enfants, c’est toujours un peu plus facile, mais forcément, tu te demandes également si tu n’abuses pas leur naiveté. je sens dans ton rapport au « sujet » une très grande tendresse et sincérité, et dans ces conditions, j’ai du mal à imaginer que tes intentions soient mal interprétées. Mais il vrai qu’on est jamais à l’abri d’une incompréhension, en partilculier dans des cultures plus éloignées de la sienne 🙂

  10. Akaruiphoto dit :

    De tres belle photos et expressions. J’aime particulierement la 1ere et la derniere pour leurs sourires.
    J’aime beaucoup la photo de rue et j’y consacre un blog (je mets le lien). J’ai parfois des refus mais dans l’ensemble les gens sont contents de se faire prendre en photos.
    Certains pays sont plus facile que d’autres et puis il y a aussi la barriere de la langue…

  11. Lolotte dit :

    Je ne me lasse pas de tes photos de Bali. Quant aux photos, je suis comme toi, incapable de « voler » un portrait et souvent timorée à l’idée de demander. Le livre dont tu parles me tente beaucoup, je vais filer à la FNAC essayer de le trouver.

  12. Laurence dit :

    Souvent un simple regard suffit pour obtenir (ou non, mais rarement !) l’accord des personnes et ce, quel que soit le pays dans lequel on est. Pour ma part, je prends rarement des gens à la volée. Ce n’est pas par philosophie mais c’est tout simplement parce que je n’ai pas de zoom et que ma plus longue focale est à 105 mm ! Ceci dit, cette limitation m’a littéralement permis de dépasser ma timidité ! Et au pire, si on a un refus, qu’est-ce qu’on risque à part un non ? Et franchement, quel photographe pourrait prendre du plaisir à photographier quelqu’un qui ne veut pas l’être ?

    Il me semble que la règle, que tu appliques si bien, c’est avant tout le respect de l’autre …

  13. Spiruline dit :

    @Nancy: contente que ces photos te rappellent de bon souvenirs..

    @Pastelle: le livre vaut vraiment la peine, n’hésite pas!

    @Cathy B: tes passages chez moi et ton commentaire me font vraiment très plaisir. J’aimerais beaucoup voir la façon dont tu appréhendes les gens, je suis sûre que tu le fais avec beaucoup de sensibilité!

    @Ronan: oui, c’est tout à fait ça, on n’est pas des prédateurs, mais je trouve que par chez nous, ça deviens difficile de photographier les gens. Et paradoxalement bon nombre d’entre eux sont ravis de pouvoir s’admirer en photo dans le journal si d’aventure ça leur arrive….

    @Isabelle:malheureusement, ce genre de dérives existe et nous mette dans des situations délicates.

    @anonyme pas si anonyme que ça ;-)c’est vrai que je n’ai pas vraiment eu l’occasion de toutes te les montrer avant ton départ Gros gros bec ma nénette préférée!

    @Marie: si cela peut être utile, j’en suis ravie.

    @Christiane: on s’y fait peu à peu et comme je l’ai écrit, les Balinais sont tellement adorables que c’est vraiment plus facile de se lancer.

    @Bavardises: tu sais, les enfants ne sont pas tous naïfs. A Lisbonne, de tous jeunes ado ont très bien su me faire comprendre qu’ils ne voulaient pas être pris en photo!

    @Akarui:je découvre ta galerie de photos de rue qui comme tes autres photos sont magnifiques. Le Japon est-il un paradis photographiques?

    @Lolotte: le tout est de se lancer, après c’est plsu facile…

    @Laurence: que j’aime ton bon sens 🙂

  14. Laluna dit :

    Encore une fois, magnifiques les photos.
    Et ma petite fixation sur les photos prises de derrières, voir les nuques, les chevelures, j’adore !!!
    Merci de nous partager comme ça tes lectures, tes aventures et tes façons de faire.
    Un jour viendra où je m’y essaierai aussi.
    Pour l’instant je demeure discrète… Même avec les gens que j’aime.
    Toujours un plaisir de passer par ici !
    Bonne soirée

  15. Christiane dit :

    Euh, ça n’a rien à voir avec le sujet, mais je t’ai « taguée » si ce truc-muche te dit, va faire un tour chez moi. C’est la première fois que je me prête à ce jeu que j’ai souvent aperçu sur les autres blogs.

  16. madame zaza dit :

    Tes photos sont magnifiques ! ta réflexion aussi… Il est toujours difficile de prendre en photo des inconnus, et pourtant, il s’agit souvent d’un témoignage plus authentique… Quand mes enfants étaient petits, il y avait des japonais par cars entiers qui débarquaient au Château de Fontainebleau ou je promenais mes petits tous blonds… Ils doivent figurer sur des centaines d’albums de voyage ! Ces personnes prenaient une image, un sourire d’enfant,fixaient un instant éphémère… je n’ai jamais eu la sensation que ces clichés pouvaient « voler » quelque chose à mes enfants. Il s’agit pour moi d’une image, pas de la réalité. Mais je comprends que d’autres puissent le vivre différemment…

  17. Ann dit :

    superbes photos, avec un sens de l’écriture très poussé.
    Un blog que j’aime lire.
    merci

  18. Spiruline dit :

    @Laluna: merci à toi de ta fidélité. Tout comme toi, j’aime les photos « verso », des détails, une posture révèlent à mon sens tout autant de la personnalité d’une personne que son côté « recto ».

    @Christiane: et bien pour une fois je vais tenter l’exercice 😉

    @Madame zaza: ton point de vue, qui se distingue de la psychose ambiante, fait vraiment du bien à lire. Je le partage entièrement!

    @Ann: merci beaucoup et à bientôt j’espère.

  19. maria dit :

    such beautiful people.

  20. rose dit :

    Ces photos sont superbes ! Ton billet est très interessant . En, effet, difficile de savoir s’il faut rénumérer les gens. Ce n’est pas évident. Je pense que je vais revenir sur ton blog ! 😉

  21. Pierre dit :

    Bonjour Spiruline,

    Je découvre ton blog au travers du post de Nancy sur les 10 choses préférées. Au dpéart ce type de message sont plutôt un repoussoir pour moi. Je crains toujours le larmoyant ou l’exhibition. Mais là, je ne sais pas pourquoi, je suis allé voir.
    J’ai parcouru ton blog et notamment cet article. Et je vais y poser mes bagages. Si tu m »accpetes comme gentil membre.
    J’aime ton article parce qu’il expose un problème que je me pose. J’aime prendre des photos de personnes dans la ville. Et ce n’est pas évident. Parfois le sentiment de voler une photo. De devoir se cacher alors que la photo est reflet de l’intéret porté à l’autre. Mais ce n’est pas évident de créer le contact tout en gardant une photo qui se veut spontanné et naturelle.
    JE vais aller acheter le livre que tu conseilles. Merci

    A bientôt

    Pierre

    Au plaisir de t’acueillir sur mon blog

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