Dans Mongolie, Voyages un billet écrit par Christine le 21 décembre 2018
Des immensités blanches, des chevaux, des traîneaux et quelques rennes aussi. Ce territoire magique pourrait être celui du Père Noël sauf qu’il est nettement plus lointain que la Laponie. Retour aux confins de la haute Asie, dans la province mongole de Khövsgöl, à la lisière de la Sibérie.
De janvier à avril, le lac Khövsgöl, véritable petite mer d’eau douce, se transforme en banquise. Dans ce paysage sauvage qui évoque la taïga russe se déroule chaque année au début du mois de mars une fête traditionnelle réunissant les habitants de la région et les peuplades des provinces russes voisines. Moins connu que le Nadaam qui attire chaque été des milliers de curieux, le festival des glaces est une manifestation relativement récente qui met à l’honneur diverses compétitions sportives telles les courses de traîneaux à chevaux, le ski, le patin à glace ou encore des concours de lancer d’osselets sur glace. De nombreuses petites animations annexes ajoutent encore à l’ambiance très festive sur le lac.
Arrivés l’avant veille, nous partageons le quotidien de la famille mongole qui nous héberge à quelques kilomètres de là. Ce matin, après avoir assisté à la traite des yacks, nous attendons avec impatience le moment de découvrir enfin le site des festivités. Sur le coup de 10h00, on aperçoit un point turquoise s’approcher à vive allure sur le lac. C’est Bimba qui vient nous chercher sur son traîneau tiré par un vigoureux petit cheval moucheté. De toute évidence, le meneur n’a pas épargné son animal qui arrive les naseaux dilatés. La robe trempée par l’effort, il fume dans l’air piquant du matin. L’homme saute de son traineau et au moyen d’une simple baguette, se met à racler prestement la sueur du cheval pour éviter qu’il prenne froid. Il n’entend pas s’éterniser et nous fait rapidement signe de monter sur le traineau. Nous hésitons. Cette simple palette de bois munies de patins nous semble bien trop petite pour transporter trois personnes supplémentaires. Mais l’autorité naturelle de Bimba ne tolère aucune tergiversation. Dociles, nous nous serrons sur le traineau qui se met immédiatement en mouvement.
L’expérience est grisante. Comme suspendu entre l’azur et la neige, le traineau file à vive allure. Le vent siffle dans nos oreilles. La lumière que ne filtre aucun impureté fait pleurer nos yeux et à chaque inspiration, des shots d’air glacé s’insinuent au plus profond de la poitrine. Par endroit, la neige soufflée laisse apparaître une surface luisante, veinée de craquelures blanches, qui nous rappelle que nous évoluons sur un lac et qu’il vaudrait mieux que la glace ne cède pas…
« Est-ce l’azur qui est le ciel lui-même ou n’est-ce que la couleur du lointain infini? »
Tchouang-Tseu
En 15 minutes, le trot énergique du petit cheval nous conduit sur le site du festival. La fête n’a pas encore véritablement commencé mais déjà des traineaux, les voitures et les bus affluent et se parquent sur la glace. Des artistes, convergeant des quatre coins de la steppe, manient tronçonneuses et burin. Ils rivalisent d’inspiration pour sculpter dans les blocs transparents les figures de la mythologie de l’ancien royaume de Gengis Khan. Plus loin, une équipe balaie la neige pour préparer une piste de patinage. L’épaisse couche de glace dessine des courbes et couleurs différentes sous chaque pas. On se penche fasciné sur ce marbre bleu nuit, turquoise ou vert selon la lumière et on observe un peu craintif aussi l’épaisseur de ce plancher de verre sous nos pieds.
L’ambiance est bon enfant. Toutes les générations se retrouvent dans cette grande kermesse pour célébrer la fin prochaine de l’hiver et l’espoir des beaux jours. Petits et grands s’amusent comme des fous sur un toboggan de glace. Un authentique chameau, qui se demande ce qu’il fait là, promène des belles en toque de fourrure pendant que leurs familles les prennent en photo. Ce grand rassemblement humain est une occasion unique d’observer les plus beaux deels, ces costumes traditionnels que revêtent tous les Mongols en ces jours de fête ainsi que leurs coutumes. On s’interroge sur la raison pour laquelle les hommes s’échangent des petites fioles les faisant glisser l’une sur l’autre dans la main droite. On nous explique alors qu’il s’agit de tabatière et que par ce geste cérémoniel, ils se souhaitent la bienvenue en préambule à toute conversation.
On a même la chance de rencontrer un représentant des Tsaatans venu présenter ses rennes. Comme son nom l’indique (« Tsaa » signifiant « renne ») les Tsaatans sont « ceux qui vivent avec les rennes » . La survie de ce peuple nomade dans des conditions extrêmes dépend étroitement de cet animal qui lui fournit son lait, sa viande, sa peau et lui sert également de monture.
Un air de petite banquise, crevasses, crêtes de compression, le lac vit, vibre, craque.
Cette patinoire géante est aussi et surtout un terrain de jeu fantastique pour les sportifs. Courses cyclistes, courses de traineaux à chiens, patinage, lutte, tir à la corde, l’éventail des compétitions sur le lac est large. Les chevaux tiennent une place importante durant cette fête. Parés de harnachements colorés, ils sont soigneusement toilettés et les attelages sont nombreux sur le lac. Plusieurs courses ont lieu durant le festival, malheureusement, l’organisation mongole étant assez obscure, il n’est pas facile de savoir quand elles ont lieu et en quoi elles consistent précisément. On assiste au départ confus de ce qui semble être une course d’endurance mais on perd rapidement de vue les attelages qui, une heure plus tard ne sont toujours pas de retour. On ne verra jamais leur arrivée! Nous ne manquons heureusement pas la course de vitesse du samedi, celle qui de toute évidence est la plus prestigieuse et a les faveurs du public. Et nous ne sommes pas peu fiers puisque c’est « notre » Bimba qui gagne l’épreuve reine du festival.
A voir le cheval de Bimba, fringant vainqueur de la course, on est bien loin d’imaginer le traitement qu’il a subi la veille. Les chevaux mongols caractérisés par leur rusticité, leur résistance et leur endurance hors du commun ne sont pas ferrés. Ceux de la région du lac Khövsgöl font exception puisque pour pouvoir tirer les traineaux sur le lac gelé, il doivent être munis des crampons.
La méthode de ferrage des Mongols est pour le moins brutale. L’animal est entravé et couché à terre. Deux hommes s’asseyent sur lui pendant que le maréchal pose des fers. L’opération n’est pas sans danger car le cheval se débat et peut à tout moment prendre le dessus mais les liens sont tellement serrés qu’il y a peu de chance pour qu’il y parvienne.
Je ne vous cache pas que cette scène a été particulièrement pénible. Voir un animal dans cette situation m’est insupportable. Une fois le ferrage terminé et ses lien déliés, le cheval est resté quelques seconds immobiles, les membres tendus totalement ankylosés. Je pensais qu’il aurait de la peine à se relever mais contrairement à tout attente, il s’est rapidement mis sur ses jambes et a trotinné sans difficultés apparentes (vous pouvez voir une brève vidéo de ce ferrage à la fin de ce billet). Ces chevaux sont vraiment d’une robustesse à toute épreuve!
Lors de la course du lendemain, il n’a laissé aucune chance à ses adversaires qui sont restés loin derrière lui. Sans rancune envers son propriétaire, il lui a brillamment offert la victoire pour la 3ème année consécutive!
Merci Christine pour ce voyage extraordinaire que tu nous offres aujourd’hui, loin de nos grisailles de décembre. Tes photos sont magnifiques ! Bravo à toi. Et joyeuses fêtes. Mireille
Coucou chère Mireille, c’est en hiver que Tengri le grand ciel bleu mongol est le plus beau. C’est vrai que l’hiver est tout de suite beaucoup plus lumineux que sous nos latitudes. Merci à toi pour ta fidélité et à et à très bientôt.
Quelle star Bimba tout de même 🙂 Voilà bien des destinations et des cultures qui me fascinent, mais rien n’y fait, les destinations glagla, j’ai un peu du mal. Je ne suis pas assez givré 😉
Salut Laurent, je ne te savais pas si caliente 😉 Il y a quelques années je n’aurais jamais cru que ce genre de destination me plairait autant mais je t’assure qu’.y goûter c’est les adopter.
Coucou Christine. Waouhhhhhh! C’est un superbe cadeau que tu nous fais avec ce billet à quelques jours de Noël. J’ai adoré regarder tes photos et te lire. On est tout de suite transporté dans une autre dimension, à la découverte d’autres cultures. J’admire les costumes de certains personnages (l’homme et le petit garçon en bleu sont superbes!), leurs chaussures (bottes magnifiques!). On s’y croirait presque. Je suis cependant quand même surprise que ces peuplades ferrent ainsi leur cheval. C’est en effet… un peu « cavalier ». Heureusement, le petit cheval se remet rapidement sur ses pattes!
Merci encore pour le partage. Et bises alpines. Belles fêtes également et n’attends pas aussi longtemps pour nous concocter un nouveau billet! 🙂
Bonjour Dédé,, quel plaisir de te savoir fidèle au rendez-vous 🙂 Au chapitre des bonnes résolutions pour l’an nouveau figure aussi celle de publier plus régulièrement ici 😉 Très belles fêtes dans tes alpes où je vais aussi m’évader dès demain et à très bientôt.
Tes images sublimes, elle donne toujours envie de s’évader, de se rafraîchir (dans tous les sens du terme) ! Les paysages sont grandioses, quelles merveilles !
Bonsoir Anne,
Mille Merci pour ce commentaire enthousiaste! L’immensité des ces territoires vierges couverts de neige est fascinante. Avoir eu la chance en plus d’y aller lors du festival avec tous ces Mongols en tenue traditionnelle a ajouté encore à la magie des lieux. Très belles fêtes à toi et à bientôt.
C’est tellement différent, grandiose, beau, fascinant! Merci pour ces images et ce récit!
C’est sûr que le dépaysement est total 🙂 Merci de ton passage ici Anne, et désolée pour ma réponse tardive!
Totalement étonnant et dépaysant, et comme toujours des images magnifiques. Et tu racontes si bien qu’on s’y croirait. Le froid en moins !
Merci pour tous ces beaux compliments Pastelle, tu me fais rougir de plaisir (et non de froid ;-))
wow, tu me fais encore rêver. quel regard tu as sur ces pays et ça me fait envie
merci et bonne année à toi avec encore de superbes voyages et de merveilleuses photos à partager
bisous
Merci chère Christine! Le monde est grand, il y a encore tellement à découvrir et tant de photos à faire, on ne risque pas de s’ennuyer. Très belle année à toi aussi et à la « revoyure » comme on dit chez moi….
Quelle série ! Merci pour ce voyage par procuration ! Une très belle découverte !
Je suis ravie de ce billet vous ait intéressé Olivier. Merci pour votre visite dans mon petit coin d’internet et pour les mots que vous y avez déposés. C’est toujours une grande motivation pour moi de connaître la réaction de mes lecteurs. Au plaisir d’un prochain échange 🙂
Bonjour, quel dommage d’avoir manqué cet article bien assorti au moment de Noël !
Merci de nous faire voyager à travers votre magnifique reportage.
En espérant de vous retrouver pour d’autres belles photos…
Bonjour Mesdames,
Quel plaisir de vous retrouver ici! Merci de votre visite et oui oui, de nouvelles images arrivent tout soudain. A bientôt 🙂
Un excellent moment de dépaysement ! Merci pour cet article Christine, toujours un plaisir de faire une halte sur ton blog 😉
Mais c’est dingue, je suis passée à côté de cet article fantastique (même si je me demande s’il n’y a pas qq. soucis de mise en page avec la gestion des blocs sur laquelle je me casse bien les dents d’ailleurs). Je crois que tu m’avais parlé de la façon assez brutale de ferrer les chevaux et c’est vrai que c’est impressionnant ! Bises
Pas de souci de mise en page, je te le confirme … mais du coup j’avais raté des passages alors j’ai tout relu avec plaisir ….
Dépaysant à souhait !
Ça donne envie d’évasion dans les grands espaces…
Incroyable, cette perle bleue.
Et dire que nous vivons sur la même terre.
Merci, Christine, de nous le rappeler si poétiquement.