Dans Birmanie un billet écrit par Christine le 10 février 2014
La pirogue fend l’eau à toute vitesse. Nous n’avons quitté notre hôtel que depuis une quinzaine de minutes que déjà se profile droit devant nous un groupe de pêcheurs. Nous nous approchons plus lentement, le spectacle est saisissant. Debout sur leurs frêles esquifs, les hommes lèvent puis abaissent en rythme leurs longues rames pour frapper la surface du lac et chasser le poisson dans les filets. Plus loin, d’autres, en équilibre sur une jambe à l’arrière de leur barque, godillent à l’aide d’une rame unique autour de laquelle ils enroulent leur seconde guibole.
Notre pilote baisse encore le régime de son moteur. L’embarcation, effilée comme un grain de riz, glisse maintenant entre les barques des pêcheurs. Je sens l’excitation me gagner. L’élégance des mouvements de ces hommes, leur posture tout-à-fait originale, les couleurs font de cette scène un régal photographique. Mais si nous ralentissons, nous ne nous arrêtons pas pour autant. Nous ne saurions déranger davantage ces hommes au travail. Le temps est compté, je sais que je n’aurai pas la chance d’assister une seconde fois à un tel spectacle. Pas question donc de me planter dans mes réglages et mes cadrages.
Je dois être rapide et savoir ce que je veux. C’est dans de telles circonstances que j’apprécie tout particulièrement mon 18-200 mm. Il n’a peut-être pas les faveurs des puristes qui lui préfèrent le piqué des focales fixes mais en l’occurrence, la polyvalence de cet objectif se révèle d’autant plus appréciable que je ne peux pas bouger de mon siège. Je tente tout d’abord quelques vues d’ensemble qui ne me convainquent pas vraiment, puis j’essaie des plans plus serrés jusqu’à ce que je repère le reflet colorés des hommes. Bingo, c’est cela que je veux saisir, ces couleurs qui dégoulinent dans l’eau grise et y tatouent des silhouettes abstraites, vibrantes et éphémères! Je m’incline sur le côté pour tout faire rentrer dans le cadre mais le déséquilibre provoqué manque presque de faire chavirer la pirogue qui navigue à fleur d’eau. Il va falloir que je me contorsionne plus prudemment si je veux éviter d’envoyer tout le monde au jus.
Un peu plus loin, je repère un homme dont la tenue, le filet et la végétation se confondent. Ses gestes sont lents et mesurés. Il ne nous prête aucune attention. Je retiens mon souffle et me concentre. Des cinq clichés pris au passage, c’est celui révélant le reflet d’un pantin désarticulé dans un camaïeu vert-turquoise qui m’a arraché un grand « Yessss » intérieur de satisfaction 😉
Nous n’avons pas passé plus d’une dizaine de minutes parmi les pêcheurs. J’ai finalement peu déclenché, mettant la priorité sur la composition, ce qui ne m’a pas empêché de devoir éliminer plusieurs photos, notamment en raison d’horizons penchés qu’il n’était pas possible de redresser sans tronquer une partie intéressante de l’image. Ceci dit, j’avoue que sur le moment, j’ai ressenti une véritable montée d’adrénaline. La conscience de tenir un très beau sujet photo, « l’urgence » de la situation et la peur de rater mes prises m’ont tout à la fois mise sous tension et rendue totalement présente à l’instant. C’était un sentiment intense difficile à décrire mais très stimulant.
Nous avons eu beaucoup de chance. Notre guide nous a organisé une balade dans une zone peu fréquentée du lac. C’est à une véritable partie de pêche que nous avons assisté en début de matinée et non pas à un spectacle orchestré uniquement à l’attention des touristes. Si je n’ai pas immortalisé de pêcheurs portant à bout de bras la traditionnelle nasse conique que l’on voit sur toutes les illustrations des voyagiste, c’est qu’ils n’en avaient tout simplement pas. La technique de navigation développée par les Inthas n’en reste pas moins spectaculaire. Leur manière de ramer debout sur la poupe de leur pirogue est unique au monde. Elle leur permet de distinguer de toute leur hauteur le fond de l’eau, tout en gardant les mains libres pour la pêche. Le lac Inle, qui n’est profond que de quelques mètres (en moyenne 2, 10 m. à la saison sèche, au max. 6 m. lors de la saison des pluies) est très poissonneux, ce qui fait de la pêche une activité majeure. Mais ses eaux n’ont pas encore fini de nous réserver des surprises tout aussi magiques.
A suivre donc…
Cela devait être merveilleux d’assister à ce spectacle! ils ont l’air bien concentrés. j’aime que l’eau et le ciel se fondent de même que les reflets sont très intéressants. une préférence pour la 4ème peut être mais le choix est difficile!
L’ensemble est superbe!
C’est dans l’urgence que l’on fait parfois les meilleurs clichés! Mais il ne faut pas céder à la pression – ce que je fais souvent… Pour moi, la troisième photo est la meilleure. J’aime les deux premières pour les silhouettes au milieu de nulle part, mais le reflet dans la troisième est si parfait!
Hors la photographie, c’est une technique de pêche intéressante et leur équilibre est impressionnant!
Oh comme je comprends ton YESSSS, cette photo est superbe avec ce camaïeu. Un grand bravo !
Je voyage très peu et encore moins depuis que je fais de la photo mais il m’a toujours semblé difficile de concilier voyage et photo (j’entends pas là photo un tant soit peu réfléchie)… J’ai l’impression qu’on ne profite pas des choses de la même manière. Il faudrait presque partir deux fois, mais dans quel ordre ?
Bonne semaine
Je me retroue dans ce que tu dis. Je me suis souvent fait cette réflexion. Particulièrement, lorsque j’accompagnais ma fille a des concours hippiques. Quand c’était son tour, je la mitraillais du début du parcours à la fin, l’œil collé dans le viseur.. (Et un parcours, ça ne dure pas plus d’une minute. ) En fait, je ne « voyais » rien, tellement occupée à la suivre dans le viseur et à recadrer. A la fin du parcours, j’avais souvent envie d’appuyer sur le bouton « replay ».
Me reste quand même de belles photos !
Pas de regrets.
la classe 🙂
les deux dernières sont extras
J’imagine d’ici ton excitation mais au vu des résultats, tu as su ne pas tomber dans la précipitation ! ces couleurs , surtout le vert sont stupéfiantes, j’adore la 3ème photo !
Et bien on peut dire que ce lac t’a inspirée ! Et comme je le comprend ! Dans la dernière photo, j’aime particulièrement cet équilibre presque « miraculeux » de ce pêcheur juste au bout de sa barque. Merci encore pour le voyage !
Je m’associe à ton YESSS ! Tu as eu là une prise sensationnelle. Et tu racontes très bien à la fois la pêche et ta chasse. Magnifique !
Superbe ! Effectivement, mis à part l’adresse indéniable de ces hommes, c’est leur reflet dans l’eau qui fait toute l’originalité de la photo.
En vacances, un zoom, c’est bien plus pratique qu’un objectif fixe. Et le mode automatique est aujourd’hui si performant que dans ce genre de situation on aurait tort de s’en priver.
Bien que le matériel soit important et que chaque objectif soit conçu pour un usage bien défini, transgresser les « règles » donne parfois des résultats très intéressants. Alors, les puristes ….. 😉
L’important, c’est de ne pas rater l’instant qui ne se reproduira plus.
Bonne semaine
verO
c,
Des funambules et leurs reflets liquides, dans des couleurs douces et apaisantes, j’adore !!
Quel beau moment partagé avec nous! J’aime les images, ce contraste doux entre le gris et les couleurs, ces reflets qu’ils soient lignes ou silhouettes, j’aime ton récit. Pour rebondir sur ce que dit Véro, c’est vrai qu’ il n’est pas toujours facile de concilier profiter d’un voyage et faire des photos, mais là il me semble bien au travers de ce que tu nous relate que justement, il y a eu un moment magique où les deux ont pu se réunir. Ah ben en tout cas c’est malin, voilà que j’ai envie d’aller en Birmanie maintenant…
Bonjour Christine,
Je découvre votre blog par l’intermédiaire de beaucoup d’autres commentateurs ici, héhé!
Quelle belle série tout en suspension! Ce qui vient me chercher, c’est la posture de ces pêcheurs en équilibre (c’est mon côté « danseuse » qui parle) mais aussi les jeux de reflets dans l’eau… J’aime tout particulièrement l’avant dernière image.
Bonne semaine!
Superbe !! ton « Yess » de jubilation intérieure résonne avec notre « Yess » de spectateur. Cette photo est très belle, à tout point de vue…
J’aime vraiment ton blog,, de plus en plus 😉
Ces reflets sur l’eau…comme des images suspendus dans le temps…
Superbes ces photos. La 3° est splendide. Les reflets dans l’eau ondulant au rythme de l’eau accentuent l’effet précaire de leur équilibre. Bonne journée
Bonjour,
Vraiment superbe. J’aime cette série. On a la sensation que le filet, le pêcheur à cause du reflet font corps avec l’eau, s’y prolongent. Bravo.
Et puis, les puristes qui chialent contre les « zooms polyvalents » devraient savoir que ce qui fait la qualité d’une photo, c’est avant tout la vie qu’elle raconte.
Vraiment superbe, Christine … tu peux être fière de tes clichés. Scène, décors, lumière … sans oublier les artistes dans leur étrange chorégraphie, tout y est, et tu as su saisir ces instants. Bravo 🙂
Quel beau spectacle. Tu racontes très bien les moments forts qui défilent devant nous trop rapidement et on se demande si on va pouvoir y arriver. Les photos 3 et 4, en particulier, me font penser à des danseurs. Bravo ! Quel « reflex », alors !
La montée d’adrénaline, je vois bien de quoi tu parles 😉 Je crois que j’aime autant ton récit que tes photos (j’espère que ne le prendras pas mal … s’agissant d’un blog photos…), on a l’impression d’être avec toi et de vivre l’instant, tu racontes très bien! Ces scènes sont vraiment étonnantes et très bien capturées! L’avant dernière, l’homme aux couleurs vertes et son reflet dans l’eau, est vraiment parfaite, on pourrait croire à un tableau. Bravo 🙂
Une immense merci à tous pour vos commentaires et bienvenue aux nouveaux venus Céline et Pancho qui laissent pour la première fois un mot ici. C’est un immense plaisir pour moi de constater que ces photos vous plaisent mais je suis très contente également de lire que le récit de cette expérience a retenu votre attention. Rédiger des textes pour « emballer » mes photos prend du temps et je crains parfois que les lecteurs du net, pressés et versatiles, ne les zappent. Ce n’est manifestement pas votre cas, ce qui m’encourage à continuer dans cette voie. Mais rassurez-vous, ce blog reste avant tout un blog d’images et je ne vais pas vous noyer sous d’interminables dissertations. L’une ou l’autre de vos remarques m’a interpellée. C’est vrai qu’il peut être difficile de concilier voyage et photos (enfin un certain type de photo) lorsque dit voyage n’est pas uniquement dédié à la photo. On a très souvent pas le temps de s’arrêter autant qu’on le souhaiterait pour peaufiner nos prises de vue et on a pas non plus l’occasion de faire des repérages pour revenir sur les lieux intéressants aux meilleures heures de la journée. Je reconnais que c’est parfois frustrant mais on apprend aussi à composer avec ces contraintes et à développer son oeil et ses réflexes. Il faut aussi apprendre à ne pas passer tout son temps collé à son appareil pour pouvoir profiter de ses vacances. Un conseil que l’on donne souvent à ceux qui souhaitent faire des photos en vacances, c’est de se choisir un thème et de s’y tenir. C’est du reste celui que l’on m’a donné avant de partir. Je dois avouer que je suis allée en Birmanie sans m’être fixée réellement un objectif photo. Je savais que ce voyage serait très riche visuellement et émotionnellement et comme c’était la première fois que je m’y rendais, je n’avais pas envie de trop me limiter. Après quelques années de pratique, je sais que je suis essentiellement attiré par l’humain et par ses activités, ce qui donne déjà une orientation à mon travail. Mais je ne me suis pas non plus privée de faire des photos de paysage. Même si j’en montre peu ici, j’ai aussi envie de me faire plaisir et de rapporter des photos souvenir de mes vacances.. Ceci dit, j’ai aussi réussi à ne pas emmener mon appareil avec moi 24 heures sur 24 , tout simplement parce qu’à un moment donné, je n’en avais pas envie et que je voulais pouvoir profiter pleinement d’un spectacle ou d’une balade.
J’aime bcq ce choix de cadrage en vertical pour ces pêcheurs, je profite ainsi du reflet, c’est très bien vu!
Je voyage ainsi un peu à travers tes très belles photo, Merci Christine!
bonne fin de semaine, @ bientôt Haude
bonjour, la troisème photographie est juste ou simple ou remarque somptueuse.
pardonnez moi, je files, car j’ai une cocotte sur le feu!
@+
jORGE
J’ai vraiment une préférence pour les images en format « portrait » car le reflet a toute son importance dans la composition. Puis le top, c’est ce fond plutôt uni, dans les tons gris, qui met en valeur les personnages.
Je comprend ton Yesss de satisfaction, cette prise est tout particulièrement réussie. J’aime bcp ! Un beau reportage sur ces pêcheurs à la technique si particulière.
J’aime beaucoup ton choix des reflets; la 3è avec le pantin est très très réussie : couleurs, position, composition, mouvement de l’eau pour avoir ce pantin désarticulé… superbe !
[…] poursuivons notre balade sur le lac Inle. Au milieu de la troupe des pêcheurs acrobates, nous remarquons des hommes chargeant leurs barques de boue ramassée au fond du lac au moyen de […]
Bonjour christine, contrairement à tous ceux et celles qui ont commentées je préfère largement la une et la deux tout simplement par ce que le reflets n’est pas délicat, certes le personnage a de la Guelle et une belle gestuelle, mais non le reflet est bizarrement grossier comme parasité. ET MON COUP DE COEUR IRAIT PROBABLEMENT POUR LA UNE;
j »aime aussi prendre le temps en vacances de savourer chaque instant, une pause ici, une ballade la bas, une autre par la mais en ayant le regard droit devant
je parlais de la troisième photographie qui reste unanimes par votre public!
Même s’ils ont perdu leur traditionnel filet conique, les Inthas resteront toujours de sacré acrobates !
Bien plus que les filets, c’est l’attitude de ces pêcheurs qui est saisissante. Certains d’entre eux me faisaient penser à de grands échassiers. Merci d’être passé par ici Pascal:-)
Such beauty and grace in this arduous pursuit, my stand out favourite is number 3
magnifiques photos ! surtout la troisième ! pour ma part je n’ai pas l’œil ! et je ne sais pas prendre la belle photo ! mais chaque photo reste pour moi un souvenir du moment précis où j’ai vu ce que je voulais prendre. J’ai un 18-135 mm mais je suis un peu gênée par les limites du zoom. Suis tentée par le tamron 16-300 ou 18-270… En tout cas, la Birmanie resera un de mes plus beaux voyages !