Dans Albanie un billet écrit par Christine le 19 juillet 2017
Si les trois quart du territoire albanais sont montagneux, le pays n’en offre pas moins un littoral magnifique encore en partie préservé. Des criques bleu turquoise qui n’ont rien à envier aux caraïbes, des plages de galets confidentielles, des montagnes plongeant littéralement dans la mer inspirent à qui s’y arrête un avant-goût de paradis.
Vous n’êtes pas encore en vacances et transpirez devant votre écran? Vous rêvez d’évasion et tout comme moi vous comptez les jours avant un grand départ? Alors vous êtes au bon endroit. Laissez tout de côté, l’espace de quelques minutes, on part sur la côte ionienne avec au programme une randonnée dans la péninsule de Karaburun, du farniente sur la plage d’un ancien dictateur et un (bref) passage dans une station balnéaire à la mode.
Nous sommes dans le sud ouest de l’Albanie, au niveau du canal d’Otrante qui marque le passage entre la mer Adriatique et la mer Ionienne. Juste en face, à 72 km, c’est le talon de la botte italienne. Une route incroyablement sinueuse nous conduit à 1043 m. d’altitude, à 3 km de la côte, au col de Llogara. Durant toute la montée, on a le nez collé à la fenêtre tant la vue plongeante sur la mer est époustouflante. De temps à autre, on jette un regard inquiet vers les sommets autour desquels s’enroulent de sombres et mouvantes écharpes nuageuses. La région est connue pour ses courants d’air. Les conifères qui s’accrochent aux pentes de la montagne portent du reste leur empreinte. Au fil des ans, le vent du large les a sculptés en d’étranges et majestueuses silhouettes. Depuis peu en outre, les parapentistes ont trouvé ici le spot idéal pour s’envoyer en l’air.
Arrivés en fin de journée au coeur du parc national de Llogara, une zone historique de vacances et de distractions des Albanais, la fraîcheur nous saisit. On se retrouve en forêt, dans un environnement carrément alpin qui offre un contraste frappant avec les paysages méditerranéens qui l’entourent. Après avoir apprécié la savoureuse cuisine traditionnelle de notre hôtel, un ancien restaurant d’Etat sous le régime communiste, nous allons nous coucher pour une courte nuit. A 4h. le réveil nous tire péniblement des bras de Morphée et une heure plus tard, nous partons, à la fraîche, pour une randonnée qui doit nous mener au paradis.
La péninsule de Karaburun est une ancienne zone militaire dont l’accès fut interdit jusqu’au début des années 1990. Elle est aujourd’hui une réserve naturelle, riche en faune et flore, dont les plages sont uniquement accessibles à pied ou en bateau. Comme tout paradis se mérite, il faut payer de sa personne pour y accéder… En ce qui nous concerne, vous l’aurez compris, c’est à pied que nous rejoindrons la mer, ce qui représentera plus de 6h. de marche et un dénivelé positif de 550 m et négatif de 1500 m.
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L’ascension commence dans une forêt de conifères très différente de celles que l’on rencontre dans le nord du pays: pins de Bosnie, pins noirs, sapins de Bulgarie, frênes, une végétation exubérante que le metteur en scène d' »Avatar » ne renierait pas.
Le jour se lève en même temps que la brume qui court littéralement le long des pentes et qui enserre les sommets de ses bras cotonneux. Sensation de première aube totalement inédite. L’avancée des randonneurs se fait en silence pour ne pas troubler la magie de l’instant.
Après une bonne heure de marche, à l’approche du col, le tintinnabulement d’une clochette résonne clair derrière nous. Une mule alezane crapahute vaillamment devant son propriétaire. C’est elle qui transporte les vivres et les réserves d’eau nécessaires à notre bivouac. Sa petite taille et son lourd paquetage ne l’empêche pas d’en avoir sous les sabots. Imperturbable, elle nous dépasse et poursuit un chemin qu’apparemment elle connaît par coeur.
La forêt et la fraîcheur de l’aube ne sont rapidement plus qu’un lointain (et délicieux) souvenir. Le soleil monte au zénith tandis que débute une interminable descente face à la mer. Mousse et fougères cèdent la place aux herbes jaunies. Des chênes centenaires déploient leurs bras noueux dans l’azur immaculé. Evoluer dans ce paysage, c’est écouter l’orchestre jouer une symphonie en vert, bleu, blond ponctuée ça et là de quelques « fausses-notes » calcinées qui rappellent aux imprudents qu’ici, un rien suffit à mettre le feu aux poudres… Et lorsque s’élève la voix de notre muletier. Ses chants polyphoniques, puissants et austères rythment notre marche et confèrent aux paysages traversés une dimension quasi spirituelle.
Puis c’est le maquis, avec ses arbustes piquants et ses ronces qui lacèrent les jambes (je me maudis de ne pas porter de pantalons longs!). Sous un soleil de plomb, le marcheur sue à grosses gouttes, tête baissée pour éviter les pierres qui roulent sous ses pas, les pieds brûlant dans ses godasses. Qui a dit que la descente est plus facile que la montée?
Après plusieurs heures de marche, nous atteignons enfin la plage de Grama. Elle est pratiquement déserte et avec ses eaux turquoises, ses galets blancs et sa cabane en bois coloré, elle a tout d’un repère de naufragés. Une famille vit (ou plutôt campe) là durant la belle saison pour exploiter la modeste buvette. La mère est au fourneau, tandis que sa fille l’assiste à la vaisselle et son fils au service. Le père lui profite du hamac… Bon, là j’avoue, je suis un peu mauvaise langue, c’est tout de même lui qui a fait griller les poissons (délicieux) de notre repas du soir 😉
La plage de Grama
En fin de journée, notre guide se donne beaucoup de mal pour monter les tentes qui finalement ne nous servent à rien. Le soir venu, il fait si chaud que nous préférons dormir à la belle étoile. Enfin, dormir est un bien grand mot. Malgré la fatigue de la journée, le ressac de la mer me tient longtemps éveillée, j’ai l’impression que chaque vague va me submerger. C’est fou le bruit que fait la mer la nuit! Quant aux galets, ils ne forment pas vraiment un matelas confortable… Au matin je m’éveille sans être véritablement reposée mais quel bonheur d’ouvrir les yeux face à un tel panorama.
A l’aube, les plus courageux d’entre nous rechaussent leurs godasses pour plusieurs heures de randonnée le long de la côte, tandis que les autres rentrent en canot. Je m’en suis un peu voulue de faire la bravache car ce fut la marche la plus pénible et sincèrement pas la plus intéressante du séjour. Mes pieds, malmenés par l’effort de la veille, me faisaient souffrir et sur un sentier interminable qui nous donnait l’impression de ne jamais nous rapprocher de notre but, la chaleur et le manque d’ombre ont mis notre résistance à rude épreuve. Nous avons ingurgité plusieurs litres d’eau et ni la vue splendide sur la mer, ni les nombreux bunkers, reliques d’une époque révolue utilisées désormais pour abriter du bétail, n’ont réussi à nous distraire. Six heures plus tard, c’est fourbus et assommés de soleil que nous nous sommes jetés à l’eau pour un bain régénérant, avant de nous écrouler dans la fraîcheur de notre mini bus climatisé.
D’autres plages secrètes et sauvages sommeillent encore au creux des falaises de la riviera albanaise. Nous ne les avons pas toutes vues mais j’ai envie de vous montrer encore celle de Gjipe qui, avec ses 400 mètres de galets et son eau limpide, ressemble à une vraie carte postale. Située un peu plus au sud que la précédente, elle est également peu fréquentée et pour cause. Pour y accéder, il faut une nouvelle fois user ses semelles sur un sentier défoncé et rocailleux. Les petits malins qui essayent d’aller le plus loin possible en véhicule regrettent très rapidement leur audace. Même les 4 roues motrices s’y cassent les essieux! Ceci dit, comparé à la précédente randonnée, c’est une vraie promenade de santé qui ne requiert qu’une trentaine de minutes d’effort.
Cette plage, qui appartenait à la fille d’Enver Hoxha, serait désormais la propriété de la fille de l’ancien Premier ministre Sali Berisha. Tout un chacun est néanmoins libre de s’y rendre comme bon lui semble et de profiter de son calme.
Ici, la journée se dilue sereinement dans les bleus du ciel et la mer qui se confondent. Il n’y a rien d’autre à faire que de savourer l’instant loin des restaurants bruyants et des parasols publicitaires criards. Aucune construction ne dénature le paysage. Seuls des abris de branchage recouverts de fougères sèches offrent un peu d’ombre aux baigneurs. Mais ne rêvons pas trop pour autant, au XXIème siècle, même Robinson a une âme capitaliste. Pour avoir le droit de somnoler sous ces rudimentaires tonnelles, il vous en coûtera une modeste redevance qu’un vigilant gardien comptabilisera scrupuleusement sur … un caillou! L’Albanie n’est pas à un anachronisme près.
La baie de Saranda
Ce bref compte rendu de mon séjour sur la riviera albanaise n’a pas la prétention d’être exhaustif. Je revendique ma partialité et préfère montrer le beau, porteur de rêve et d’évasion que ce qui ne m’inspire pas. Mais ne faites par l’erreur d’en retenir que toute la côte est encore vierge de toute empreinte humaine. Au cours des 10 dernières années hélas, les Albanais ont massivement et anarchiquement bétonné pour loger les touristes en quête de soleil.
A 20 km de la frontière grecque, Saranda est la plus grande station balnéaire de la côte sud de l’Albanie. Immeubles et hôtels ont poussé autour de la baie et sur les pentes environnantes tels des champignons multicolores. Aujourd’hui encore, la ville ne cesse de croître. Les bars et les restaurants étouffent petit à petit la petite promenade du front de mer et durant la haute saison, l’artère principale vomit un flot incessant de véhicules. Saranda, bondée et bling bling dans laquelle se pressent toute la jeunesse albanaise ainsi qu’une clientèle étrangère low-cost ne m’a pas charmée. Elle représente un tourisme auquel je n’adhère pas. Il n’y a qu’au petite matin, dans la lumière encore dorée et le calme éphémère des premières heures que je lui ai trouvé un semblant de beauté. Sa baie est séduisante certes mais qui a envie de s’y baigner lorsque l’on sait qu’ici, tout est ici rejeté dans la mer, faute de tout-à-l’égout? Je n’ai passé dans cette ville qu’une seule nuit, martelée par les basses tonitruantes des boites de nuit environnantes, et l’ai quittée sans regret au matin pour un destination plus en adéquation avec mes aspirations (mais ça c’est une autre histoire que je vous raconterai une autre fois).
L’Albanie ne fait pas encore partie des destinations qui comptent mais son potentiel touristique est incontestable. Les voyageurs qui savent dépasser les préjugés qui lui collent mauvaise réputation découvrent un pays riche en histoire et en culture ainsi qu’une population extrêmement gentille, prête à aider et remplie de curiosité pour le visiteur. Je ne peux qu’espérer qu’elle saura se détourner du tourisme de masse au profit de produits de niche comme la randonnée, l’escalade ou les voyages culturels pour lesquels elle a tous les atouts et qui lui permettront de préserver l’identité de ses habitants.
encore bravo, Christine, pour ton art de nous faire vivre, et pour moi revivre, en photos et en mots, ton voyage albanais. J’ai tout revu, tout senti, tout entendu…. Oui, c’était vraiment ça !.. Merci à toi ! Et bon voyage vers d’autres lointains, qui s’approchent, n’est-ce pas ?
Avoir réussi à te faire revivre toutes les sensations vécues là-bas, c’est un beau compliment, chère Mireille 🙂 Merci beaucoup ! Et oui, départ demain pour un ailleurs très dépaysant. J’espère trouver là-bas d’aussi bons compagnons de voyage que toi mais je doute qu’ils aient tes savoureux talents de comédienne. A bientôt pour la suite et bel été!
Merci de nous partager ce bout d’Europe bien méconnu !
Le père à bien raison de profiter du hamac, il semble très confortable 😉
Ah ce hamac, j’aurais tellement voulu le piquer à son propriétaire pour la nuit. 😉 Mon matelas n’était pas franchement épais et en plus au moment de me coucher, il y avait un petit scorpion juste à côté de moi…. Vive le camping sauvage!
Hello Christine !
Tu as raison, ce petit coin d’Albanie, c’est le paradis sur terre 🙂 la montagne y est superbe et cette crique … quel plaisir ça a du être de se retrouver là après de rudes heures de marche ! Ce petit film qui accompagne ton billet nous permet de nous projeter un peu plus dans ton périple, c’est très agréable et puis on a le plaisir d’entendre le son de ta voix 🙂
Je te souhaite de très bonnes vacances pour cette destination encore secrète (?) … profites bien et reviens nous avec de belles images comme celles-ci. A bientôt 🙂
Hello Marie,
Nous avons eu la plage en ligne de mire pendant un bon moment et n’attendions que de la baignade rafraîchissante à l’arrivée. Mais le paradis peut parfois se transformer en enfer. Ayant omis de porter un pantalon long, j’ai eu les mollets tout griffés par les ronces et autres arbustes piquants dans la longue descente. La baignade tant attendue s’est transformée en calvaire brûlant à cause du sel 🙁 Quant à la vidéo j’ai longtemps hésité à la joindre à ce billet en raison précisément du son de ma voix. J’ai beaucoup de peine à m’entendre parler. J’ai fait un effort sur moi-même en me décidant à le faire, il faut que je m’y habitue. J’aime de plus en plus faire des petits films, ils rendent le voyage un peu plus vivant. Je ne suis pas encore au point mais vraiment c’est une technique qui m’intéresse et que j’ai envie d’améliorer. Et oui, je pars demain pour une nouvelle destination que tu ne manqueras pas de découvrir rapidement sur Instagram (en espérant qu’il y ait suffisamment de wifi, j’aimerais rééditer la formule carnet de voyage en direct et en image tenté l’an dernier en Albanie et cette année en Mongolie. A voir à l’arrivée. D’ici là, belle fin de semaine et à bientôt.
Un autre beau dépaysement, et on l’apprécie d’autant plus compte-tenu des difficultés rencontrées (la nuit sur les galets, et la longue, très longue randonnée !) les lumières sont merveilleusement captées, les vues épurées, les couleurs douces et vibrantes à la fois. Un coup de coeur pour le bateau au loin, et la jeune femme et l’enfant sur la plage.. Je serai fidèle au rendez-vous pour les prochaines escapades ! bon séjour, où que ce soit.
Cette forêt est vraiment très belle!
Je te laisse le camping sauvage sur les galets avec le scorpion, quand je dors mal, je suis grincheuse ;-), mais se réveiller là doit être unique tout de même. Quels bleus!
C’est logique en somme, mais nous ne pensons pas de tout à la plage lorsque nous entendons parler d’Albanie !
Vous avez largement mérité votre plage « privé après tant d’effort, que c’est idyllique ! Mais vous montrez sur la video aussi l’autre visage d’une Albanie plus touristique, il en faut pour tout les goûts, nous le savons bien. … Le paysage nous rappelle le chez nous, les Calanques et le chant des cigales. Nous sommes bien dans un pays méditerranéen !
Bonne journée
Quel beau récit de voyage, la première randonnée fait très envie, la seconde, je comprends pourquoi elle a été assez pénible. Les paysages sont superbes, insoupçonnés, car on ne connait pas trop, il y a peu de reportages sur l’Albanie. Le côté montagne est très plaisant, ce sont de beaux paysages. J’ai bien aimé la mule qui est à l’aise sur le sentier !
tu me fais envie. vraiment
J’avais raté ce billet, et je suis très heureuse d’avoir rattrapé mon retard. Toujours ton regard intéressant, et ton sens du récit: j’aime sur ton blog le mélange de ces textes descriptifs et de tes photos. Mention spéciale à cette vidéo, d’une très bonne taille, et très agréable. J’ai été très heureuse d’entendre les chants, en plus de ta voix. Belle journée à toi.
De belles photos qui donnent envie 🙂
Bonsoir Emilie,
Et bien merci beaucoup pour la visite et les quelques mots laissés ici.
Belle soirée.